samedi 16 octobre 2010

Rendez-vous sur Midan Egypte

Ce blog est dans un état comateux, mais c'est au profit d'un heureux événement : la naissance du blog collectif MidanEgypte que nous avons lancé au début du mois avec des amis journalistes français et égyptiens qui vivent au Caire.

L'idée :

"Nous sommes un collectif de jeunes journalistes. La plupart d’entre nous n’étions pas nés lorsqu’Hosni Moubarak a pris les rênes de l’Egypte en 1981. Presque trente ans plus tard, à la veille d’une élection présidentielle cruciale et peut-être d’une passation de pouvoir, nous voulons raconter et montrer l’Egypte telle qu’elle est aujourd’hui : un pays jeune gouverné par des dirigeants vieillissants, une économie dynamique flanquée d’une pauvreté endémique, une société ouverte au monde bien souvent tentée par le repli sur soi. C’est ce quotidien de tous les contraires que vous pourrez lire, voir et entendre sur MidanEgypte."

La formule est encore balbutiante, mais vous pouvez déjà y lire quelques articles, des interviews sur la guerre de Kippour vue par les Egyptiens et les Israéliens, une revue de presse hebdomadaire, et y admirer des photos de Pauline Beugnies sur la vie des paysans de Dahab, une île rurale en plein cœur du Caire...

Bonne visite!

dimanche 9 mai 2010

Du mouvement

J'ai assisté hier à ma première "vraie" manifestation égyptienne. Des manifs, j'en ai vu quelques-unes depuis que je suis là, parce que je devais les couvrir pour un article ou simplement en tombant, au détour d'une rue, sur une dizaine d'Egyptiens en colère, armés de banderoles colorées et de slogans criés à tue-tête - et en rythme s'il-vous-plaît -, et entourés d’une inamovible ronde de flics. Mon quartier, avec ses nombreux ministères, attire les manifestations.


Depuis janvier, une nouvelle mode s’est emparée des manifestants égyptiens : le sit-in. Les trottoirs entourant l’Assemblée du Peuple et le Sénat (à 100 mètres de chez moi) sont occupés jour et nuit par des ouvriers jetés sur le carreau après la fermeture de leur usine, surtout, mais aussi des handicapés qui réclament quelques sous, des médecins en grève, des fonctionnaires qui osent se plaindre de n’être payés que 100 livres (14 euros) par mois (même en Egypte, ça ne suffit pas pour vivre)...



Sit-in devant le ministère de la Santé, en face de l'Assemblée du Peuple, dans le centre du Caire, mai 2010. (Photo Nina Hubinet)


Donc hier (dimanche 23 mai), j’avais un rendez-vous au musée du Caire à 13h. En marchant en direction de la place Tahrir, où est situé le musée, je me retrouve face à une foule d’hommes en colère, marchant dans la direction opposée. C’est ce qui m’a frappé : ils avançaient, ils bougeaient, ils n’étaient pas enfermés derrière l’habituelle ronde de flics. Je n’avais jamais vu ça au Caire.

J'imagine que c'était le cas lors des manifestations contre la guerre en Irak en 2003 ou lors de les offensives israéliennes au Liban en 2006 ou à Gaza en décembre 2008, rassemblant des milliers de personnes, mais je n’étais pas encore là. Et pour une manifestation d’ouvriers en plein centre du Caire, c'est vraiment inhabituel.


Un ouvrier d'Amonsito "fait le mort", pour bloquer la circulation devant l'Assemblée du Peuple, hier. (Photo Nina Hubinet)


J’ai appris un peu plus tard qui ils étaient exactement : les ouvriers de Amonsito, une entreprise textile qui a fermé une de ses usines, située dans la banlieue du Caire, il y a quelques mois. Le 21 mars, la direction de l’entreprise, le gouvernement et les représentants syndicaux se sont mis d’accord sur une enveloppe de 106 millions de livres (15 millions d’euros) pour indemniser les 1700 ouvriers de l’usine. Mais début mai, la banque Misr, dépositaire de l’argent, refusait de donner la somme prévue aux ex-employés : seulement 50 millions de livres étaient désormais disponibles. Du coup, il y a deux semaines, les ouvriers ont repris leur sit-in devant le Maglis es-Shura, le Sénat égyptien.

Hier, une réunion avec le chef des syndicats égyptiens (loyal au pouvoir) au Maglis es-Shaab, l’Assemblée du Peuple, examinait leur sort. Rien de nouveau n’en est sorti, d’où la colère des manifestants. Vers 13h, donc, ils marchent jusqu’au Maglis es-Shaab, devant lequel ils restent environ 15 minutes, criant leur colère contre la direction de l’entreprise et le gouvernement, tous qualifiés de « harami » (voleurs). Ils sont rapidement encerclés par la police. Mais ils réussissent à briser le cordon policier, et commencent à courir dans la rue, poursuivis par les flics. « On va à la Bank Misr, c’est là qu’il y a l’argent », dit l’un d’eux. Quelques centaines de mètres plus loin, le cortège incontrôlable est finalement dispersé par les policiers, en uniforme ou en civil, au moyen de longs bâtons ou à coups de pieds et de poings. Sept d’entre eux sont arrêtés (ils ont été relâchés lundi matin), les autres retournent au lieu initial du sit-in, devant le Maglis es-Shoura, finalement évacué dans la soirée. Les autres sit-in, devant le Maglis es-Shaab, ont également été "nettoyés" dimanche soir.


On peut voir ici une vidéo montrant le déroulé de la manifestation (désolée pour la très mauvaise qualité de l'image, tournée avec un appareil photo). Sur les dernières images, un ouvrier s’évanouit, puis est transporté par les autres jusqu’au lieu du sit-in.


Les ouvriers d'Amonsito hier, après leur retour sur le lieu initial du sit-in, mieux encadré que jamais. (Photo Nina Hubinet)


Un journaliste français présent hier - qui habite en Egypte depuis cinq ans et couvre la plupart des manifestations -, me disait qu’il n’avait jamais vu ça : des types qui brisent le cordon policier et se mettent à courir en pleine rue. Depuis quelques temps aussi, les ouvriers associent des slogans politiques à leurs revendications : « nous voulons un gouvernement libre » criaient-ils hier.

On pourrait croire qu’il s’agit d’une politisation et radicalisation de ces mouvements sociaux. Mais la mode des sit-in en centre-ville peut aussi être un signe de perte de visibilité : il y a trois ou quatre ans, les journalistes égyptiens, notamment ceux du journal El Badyl, fermé depuis, allaient régulièrement les voir dans leurs usines et relayaient leurs revendications. C'est plus rare aujourd’hui, et les ouvriers lésés ont trouvé ce nouveau moyen de pression sur le gouvernement et leurs employeurs. La technique a été relativement efficace : les premiers à avoir lancer la tendance, les ouvriers de Tantaflex, qui ont campé plus de deux semaines dans la rue en février, ont fini par obtenir de (petites) indemnisations.


Ces dernières semaines, des représentants du gouvernement ont cité l’exemple des sit-in ouvriers aux abords du Parlement pour montrer que l’on respecte la liberté d’expression en Egypte. Mais après ce qui s’est passé hier, les autorités ne vont probablement plus laisser n’importe qui étendre ses couvertures et planter ses banderoles sur le parvis de l’Assemblée du Peuple…


Témoignages recueillis après l'événement (pour les arabophones) : http://tabulagaza.blogspot.com/

Et à lire ici (en anglais), une réflexion de la journaliste Sarah Carr sur les sit-in.


lundi 8 mars 2010

La sélection

Ma journée de la femme a commencé étrangement. J'avais rendez-vous avec un gynécologue qui permet à des Egyptiens très très riches de choisir le sexe de leur enfant, grâce à une technique de fécondation in vitro et de sélection des embryons du "bon" sexe. Comme vous vous en doutez, les couples qui dépensent entre 3000 et 4000 euros pour cette opération, ce qu'ils veulent, ce n'est pas une pisseuse, mais un héritier mâle. "Les gens qui viennent me voir ont déjà 6 ou 7 filles. Ils ont une grosse fortune, ou des terres, et ils savent que leur argent va être dispersé entre leurs frères et soeurs, parfois leurs cousins, s'ils n'ont pas de fils", m'explique notre docteur, un homme charmant et pragmatique, qui réalise une dizaine d'opérations de ce genre par an.

Il raconte aussi que tous ces clients, avant de se lancer dans le processus, lui demande si c'est "hallal" ou "haram" (licite ou illicite selon l'islam). " Du coup on a toujours sous la main des photocopies des avis religieux favorables sur la question, émanant des cheikhs d'Al Azhar et du Pope Chenouda (le patriarche copte), qu'on fait lire aux gens."
En France, sélectionner le sexe de son futur bébé par convenance personnelle est interdit, mais j'ai appris en cherchant des infos sur le sujet que c'était autorisé aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou en Belgique. En Egypte, les députés sont en train de préparer un projet de loi pour interdire la sélection du sexe de l'enfant. "Parce qu'ils considèrent que l'on interfère dans la volonté de Dieu", m'explique le gynécologue, qui pense qu'une loi en ce sens a de bonnes chances d'être adoptée.

Le plus drôle dans l'histoire, c'est que lorsqu'on demande au docteur son avis personnel sur la sélection du sexe du bébé, il répond : "je pense que ce n'est pas bien, cette technique devrait être utilisée seulement pour les maladies... On détruit des embryons, c'est un peu comme tuer. Il vaut mieux laisser faire la nature." Pourtant il propose ce "service" à ses clients. On est pas à une contradiction près...

Bon, pour finir malgré tout sur une note positive, un joli sourire féminin. Je l'ai rencontrée dans la rue il y a quelques jours. Elle m'a demandé de photographier son neveu de 15 jours, Ahmed. Elle et sa sœur, la maman, avaient l'air fières et heureuses, et pas forcément parce que le bébé était un garçon...


vendredi 19 février 2010

Un peu d'espoir

C'était en fin d'après-midi, à l'aéroport du Caire. Quelques centaines de personnes sont rassemblées dans le hall du Terminal 3, arborant t-shirts et pancartes à la gloire de Mohamed El Baradei, ancien chef de l'Agence internationale à l'énergie atomique, qui arrivait de Vienne. "El Hamdulilah, Baradei arrive", chante la foule. Des intellectuels - dont l'écrivain Alaa El Aswany-, des artistes - dont l'acteur Khaled Abol Naja -, mais aussi de simples citoyens, venus manifester leur soutien à Baradei.
Ce diplomate égyptien, Prix Nobel de la paix 2005, qui a tenu tête à Washington sur la question des armes de destruction massive en Irak, a réussi à redonner espoir à l'opposition laïque égyptienne. Depuis quelques mois, Baradei multiplie les déclarations sur la nécessaire démocratisation du pays, dénonce les échecs du régime d'Hosni Moubarak, et pose des conditions à sa possible participation aux élections présidentielles de 2011 : une réforme constitutionnelle pour permettre à un candidat indépendant de se présenter, l'assainissement des listes électorales, la présence d'observateurs internationaux lors du scrutin.
Baradei n'ignore pas que ces exigences n'ont presque aucune chance d'être satisfaites d'ici l'an prochain. Il a même affirmé il y a quelques semaines n'avoir pas vraiment l'ambition de devenir président... Mais il sait que son action pourrait être efficace à long terme. "J'ai perdu espoir pour ma propre vie, mais je veux que mon fils ait un espoir pour la sienne", disait ainsi l'un de ses supporters à l'aéroport cet après-midi. Les prises de position de Mohamed El Baradei commencent d'ailleurs à irriter pouvoir égyptien, preuve qu'elles ne sont pas vaines : pour tenter de discréditer cet outsider de poids, la presse gouvernementale n'a pas hésité à prétendre qu'il était en fait... suédois.

A voir ici, quelques photos de l'événement, réalisées par Sarah Carr, journaliste au Egypt Daily News, le seul quotidien anglophone indépendant en Egypte.

NB : ce blog a été lâchement abandonné depuis quelques mois. J'ai l'intention de l'alimenter à nouveau très régulièrement (d'autant qu'il s'en passe des choses, en Egypte)... Non non, ce n'est pas une promesse de gascon ;)

dimanche 8 novembre 2009

Les Chinois se lancent dans le "made in Egypt"


Bien que la grande actu du moment au Caire ce soit le match Egypte-Algérie de demain soir (qui s'annonce sanglant), j'ai plutôt envie de raconter ma petite virée à Port Saïd de jeudi dernier. J'y suis allée pour faire un reportage dans une usine textile chinoise. Fatma, ma traductrice, qui est aussi JRI, a elle fait un sujet télé pour l'AFP.
J'ai eu l'idée de ce papier en lisant un article très intéressant sur le "Nile Textile Group". J'étais étonnée d'apprendre qu'un ouvrier égyptien pouvait être moins cher qu'un ouvrier chinois. Cela paraîtra logique à toute personne un peu versée dans l'économie, j'imagine, vu l'écart de développement entre les deux pays. Mais moi j'avais encore en tête le cliché "Chine = main d'oeuvre bon marché", c'est-à-dire moins chère que partout ailleurs... Pourtant on parle depuis un moment des multinationales qui se replient sur le Cambodge ou le Laos parce que les ouvriers chinois sont devenus "trop chers".
Pour cette raison et beaucoup d'autres, les Chinois commencent eux-mêmes à délocaliser une partie de leur production en Afrique, comme me l'a expliqué au téléphone le journaliste Michel Beuret, auteur avec Serge Michel et le photographe Paolo Woods du très bon livre La Chinafrique, paru en juin 2008. Et cette usine de Port Saïd (qui est loin d'être la seule en Egypte, où l'on compte plus de 800 entreprises chinoises) en est un exemple vivant!


L'entrée de l'usine.


J'ai fait un article sur le sujet pour La Provence , à paraître ces jours-ci :

A Port Saïd, une usine chinoise fabrique des t-shirts « made in Egypt »


Le cliquetis des machines à coudre emplit la salle de l’usine. Les ouvriers égyptiens, hommes et femmes, sont courbés sur leur ouvrage. Par-dessus leur épaule, des Chinoises vérifient que la couture est bien faite ou que les manches des polos sont de même longueur. « Shouf. Kida, mesh kida » (regarde, comme ça, pas comme ça), dit l’une des contremaîtres à une jeune fille au voile jaune vif. Quand il s’agit de communiquer, quelques mots d’arabe et une bonne gestuelle font l’affaire. A l’étage du dessus, les polos rayés sont repassés et emballés, avant d’être expédiés vers les Etats-Unis, sous l’étiquette « made in Egypt ».



Alors que le sommet Chine-Afrique s’est achevé lundi à Charm el Cheikh, en Egypte, la réussite de Nile Textile Group, qui emploie 600 personnes (480 Egyptiens et 120 Chinois), illustre les opportunités que le pays des pharaons peut offrir aux investisseurs chinois. Il y a dix ans, un entrepreneur chinois, Li Jinglin, a créé cette entreprise, elle-même 100% chinoise, dans la zone franche de Port Saïd, un port méditerranéen situé à l’embouchure du Canal de Suez. A l’époque, les quotas américains et européens sévissaient contre les importations textiles chinoises. Venu du Jiangsu, l’une des principales régions textiles de Chine, Li Jinglin a compris qu’en produisant en Egypte, il tenait le bon filon. Tout en faisant d’énormes économies sur le transport, il évitait les barrières commerciales imposées à la Chine.

En janvier 2008, le système des quotas a été supprimé, mais « il est toujours beaucoup plus facile d’exporter vers les pays occidentaux depuis l’Egypte », explique Mohamed Abdel Samih, directeur d’El Wataniya, un cabinet de juristes qui prend en charge les démarches administratives de l’entreprise chinoise. « De plus, comme Nile Textile Group est situé dans une zone franche, l’entreprise n’a pas à payer de droits de douane à l’Etat égyptien sur les marchandises exportées. »


Un conseil affiché dans la salle principale de l'usine, en chinois et en arabe :
"Sois un exemple, travaille de ton mieux."

Les coûts de production, eux aussi, se révèlent plus bas en Egypte qu’en Chine. « L’électricité est très peu chère, tout comme la main d’oeuvre », souligne Ahmed Zoheir, en charge des relations avec les investisseurs étrangers au sein de l’Autorité des investissements égyptienne. Le salaire moyen d’un ouvrier textile du Jiangsu tourne autour de 1500 yuans (147 euros), tandis que les employés de l’usine de Port Saïd touchent - au minimum - 700 livres (85 euros). Pour autant, les ouvriers égyptiens semblent y trouver leur compte, notamment grâce à un système de primes de productivité. « Dans cette usine, tu gagnes plus si tu travailles bien, alors que dans les autres usines textiles les salaires sont fixes », témoigne Oumaïma Shorbal, 17 ans, qui travaille là depuis un an. « Les meilleurs ouvriers peuvent toucher jusqu’à 1000 livres (123 euros) », renchérit Mohamed Abdel Samih. Les employés chinois, eux, sont payés davantage, mais leur salaire reste secret.

Une longue sonnerie retentit : c’est la pause déjeuner, une demi-heure. « On est devenu amis avec les Chinois, on les invite pour les mariages », raconte Leïla Ali, la quarantaine, ouvrière depuis huit ans dans cette usine. Et l’aventure égypto-chinoise ne devrait pas s’arrêter là : lors du sommet de Charm el Cheikh, les deux pays, dont le volume des échanges commerciaux a été multiplié par dix en dix ans, ont annoncé la création d’une « zone économique spéciale » à Ayn Sukhna, dans le Golfe de Suez. Le lieu devrait accueillir quelques 180 entreprises chinoises, des secteurs automobile, textile et informatique notamment, et créer des milliers d’emplois.





A suivre, dans la série "Chinois en Egypte", les vendeurs chinois au porte-à-porte, qui fournissent leur garde-robe de future mariée à de plus en plus de jeunes Égyptiennes... A un prix imbattable, cela va sans dire!


mercredi 23 septembre 2009

L'Unesco échappe à Farouk Hosni

Après l'échec de Farouk Hosni dans la course pour la présidence de l'Unesco, les réactions en Egypte sont, comment dire, contrastées.

D'un côté, les milieux intellectuels proches du pouvoir pointent du doigt un complot américano-juif. "Le lobby juif a exercé énormément de pressions, a pris certains commentaires du ministre et les a placés hors contexte", a déclaré mardi à l'AFP Mohammed Salmawi, président de l'Union des écrivains. Il faisait référence à la fameuse phrase prononcée par Farouk Hosni l'an dernier au sein de l'Assemblée du Peuple et qui a entaché sa campagne pour l'Unesco : "je brûlerais moi-même les livres en hébreu si j'en trouvais dans les bibliothèques égyptiennes", avait-il lancé à un député islamiste qui l'accusait de vouloir normaliser les relations culturelles avec Israël. A son retour de Paris mercredi, Hosni a lui-même dénoncé l'action de "l'ambassadeur américain à l'Unesco" contre lui, et des "groupes juifs dans le monde qui ont eu une très très grande influence sur la question".

"C'est la première fois que l'Europe s'élève contre le monde arabe avec une telle férocité", a ajouté Gaber Asfour, chef du service des traductions au ministère de la Cutlure. Les alliés du régime ont en effet décidé d'assimiler l'échec du proche d'Hosni et Suzanne Moubarak à l'Unesco à une provocation de l'Occident envers le monde musulman, un affront des pays riches envers le Sud.


De l'autre côté, les commentaires de la blogosphère égyptienne, globalement anti-Moubarak, étaient forcément à rebrousse-poil. Pour eux comme pour de nombreux intellectuels égyptiens, Farouk Hosni, ministre de la Culture égyptien depuis 22 ans, est un symbole de l'immobilisme du régime et des atteintes à la liberté d'expression. Il est à la tête d'un ministère connu pour son haut niveau de corruption et qui organise la censure. Surtout, la place de la culture dans la société égyptienne n'aurait fait que se réduire depuis son entrée en fonction. Peu avant le scrutin, le célèbre bloggeur Wael Abbas déclarait sur Twitter que l'élection de Farouk Hosni à l'Unesco serait "un affront à la liberté des Egyptiens". Mustafa Hussein, un autre blogueur, publie un billet sur une synagogue du Caire transformée en bureau du parti au pouvoir, en réponse aux déclarations du ministre se vantant d'avoir fait restaurer les synagogues d'Egypte (ce qui est probablement vrai pour d'autres d'édifices), pour se laver des soupçons d'antisémitisme.
Pour illustrer le bilan -qu'ils jugent catastrophique - du long mandat de Farouk Hosni, plusieurs blogueurs évoquent aussi l'incendie du théâtre de Beni Souef en septembre 2005 : 48 personnes avaient péri, dont des écrivains et critiques égyptiens de renom. Le théâtre, vétuste, ne possédait pas de dispositifs d'extinction en état, et les spectateurs présents s'étaient retrouvés pris au piège, la seule issue de secours étant condamnée. Après le drame, Farouk Hosni avait présenté sa démission au président Moubarak, qui l'avait refusée.
Sur le site The Arabist, la journaliste Ursula Lindsay concluait il y a quelques jours : Farouk Hosni ne doit pas devenir président de l'Unesco "non pas à cause de son manque de respect pour la culture israélienne, mais en raison de son manque de respect bien plus profond et dommageable pour la culture égyptienne".





Farouk Hosni au milieu de ses oeuvres. (Photo "faroukhosny.com")






samedi 5 septembre 2009

Les dattes font de la politique

Un article paru dans le journal francophone égyptien Al Ahram Hebdo raconte comment les marchands de dattes - aliment star du mois de Ramadan - attribuent des noms de personnalités politiques, sportives ou du show bizz à leurs produits, selon leur qualité. Ainsi, le journaliste nous apprend que cette année, "Barack Obama" désigne une excellente variété de datte, la plus chère du marché qu'il a visité.

Or le nom donné aux précieux fruits n'a rien d'une plaisanterie : "Chaque année, les grands marchands de dattes se rencontrent pour choisir les noms des personnalités. C'est un moyen pour attirer les clients et promouvoir les produits. Cette habitude existe depuis les années 1980", explique Abdallah, l'un des commerçants, au journaliste de Al Ahram Hebdo.

Les années précédentes, les meilleures dattes se nommaient Hassan Nasrallah (du nom du chef du Hezbollah libanais), ou Ben Laden, quand les fruits de mauvaise qualité étaient affublés du nom infâme de "Bush". C'est dire si les temps changent...



(Photo Ecole d'Asnières les Dijon)