mercredi 23 septembre 2009

L'Unesco échappe à Farouk Hosni

Après l'échec de Farouk Hosni dans la course pour la présidence de l'Unesco, les réactions en Egypte sont, comment dire, contrastées.

D'un côté, les milieux intellectuels proches du pouvoir pointent du doigt un complot américano-juif. "Le lobby juif a exercé énormément de pressions, a pris certains commentaires du ministre et les a placés hors contexte", a déclaré mardi à l'AFP Mohammed Salmawi, président de l'Union des écrivains. Il faisait référence à la fameuse phrase prononcée par Farouk Hosni l'an dernier au sein de l'Assemblée du Peuple et qui a entaché sa campagne pour l'Unesco : "je brûlerais moi-même les livres en hébreu si j'en trouvais dans les bibliothèques égyptiennes", avait-il lancé à un député islamiste qui l'accusait de vouloir normaliser les relations culturelles avec Israël. A son retour de Paris mercredi, Hosni a lui-même dénoncé l'action de "l'ambassadeur américain à l'Unesco" contre lui, et des "groupes juifs dans le monde qui ont eu une très très grande influence sur la question".

"C'est la première fois que l'Europe s'élève contre le monde arabe avec une telle férocité", a ajouté Gaber Asfour, chef du service des traductions au ministère de la Cutlure. Les alliés du régime ont en effet décidé d'assimiler l'échec du proche d'Hosni et Suzanne Moubarak à l'Unesco à une provocation de l'Occident envers le monde musulman, un affront des pays riches envers le Sud.


De l'autre côté, les commentaires de la blogosphère égyptienne, globalement anti-Moubarak, étaient forcément à rebrousse-poil. Pour eux comme pour de nombreux intellectuels égyptiens, Farouk Hosni, ministre de la Culture égyptien depuis 22 ans, est un symbole de l'immobilisme du régime et des atteintes à la liberté d'expression. Il est à la tête d'un ministère connu pour son haut niveau de corruption et qui organise la censure. Surtout, la place de la culture dans la société égyptienne n'aurait fait que se réduire depuis son entrée en fonction. Peu avant le scrutin, le célèbre bloggeur Wael Abbas déclarait sur Twitter que l'élection de Farouk Hosni à l'Unesco serait "un affront à la liberté des Egyptiens". Mustafa Hussein, un autre blogueur, publie un billet sur une synagogue du Caire transformée en bureau du parti au pouvoir, en réponse aux déclarations du ministre se vantant d'avoir fait restaurer les synagogues d'Egypte (ce qui est probablement vrai pour d'autres d'édifices), pour se laver des soupçons d'antisémitisme.
Pour illustrer le bilan -qu'ils jugent catastrophique - du long mandat de Farouk Hosni, plusieurs blogueurs évoquent aussi l'incendie du théâtre de Beni Souef en septembre 2005 : 48 personnes avaient péri, dont des écrivains et critiques égyptiens de renom. Le théâtre, vétuste, ne possédait pas de dispositifs d'extinction en état, et les spectateurs présents s'étaient retrouvés pris au piège, la seule issue de secours étant condamnée. Après le drame, Farouk Hosni avait présenté sa démission au président Moubarak, qui l'avait refusée.
Sur le site The Arabist, la journaliste Ursula Lindsay concluait il y a quelques jours : Farouk Hosni ne doit pas devenir président de l'Unesco "non pas à cause de son manque de respect pour la culture israélienne, mais en raison de son manque de respect bien plus profond et dommageable pour la culture égyptienne".





Farouk Hosni au milieu de ses oeuvres. (Photo "faroukhosny.com")






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