lundi 8 mars 2010

La sélection

Ma journée de la femme a commencé étrangement. J'avais rendez-vous avec un gynécologue qui permet à des Egyptiens très très riches de choisir le sexe de leur enfant, grâce à une technique de fécondation in vitro et de sélection des embryons du "bon" sexe. Comme vous vous en doutez, les couples qui dépensent entre 3000 et 4000 euros pour cette opération, ce qu'ils veulent, ce n'est pas une pisseuse, mais un héritier mâle. "Les gens qui viennent me voir ont déjà 6 ou 7 filles. Ils ont une grosse fortune, ou des terres, et ils savent que leur argent va être dispersé entre leurs frères et soeurs, parfois leurs cousins, s'ils n'ont pas de fils", m'explique notre docteur, un homme charmant et pragmatique, qui réalise une dizaine d'opérations de ce genre par an.

Il raconte aussi que tous ces clients, avant de se lancer dans le processus, lui demande si c'est "hallal" ou "haram" (licite ou illicite selon l'islam). " Du coup on a toujours sous la main des photocopies des avis religieux favorables sur la question, émanant des cheikhs d'Al Azhar et du Pope Chenouda (le patriarche copte), qu'on fait lire aux gens."
En France, sélectionner le sexe de son futur bébé par convenance personnelle est interdit, mais j'ai appris en cherchant des infos sur le sujet que c'était autorisé aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou en Belgique. En Egypte, les députés sont en train de préparer un projet de loi pour interdire la sélection du sexe de l'enfant. "Parce qu'ils considèrent que l'on interfère dans la volonté de Dieu", m'explique le gynécologue, qui pense qu'une loi en ce sens a de bonnes chances d'être adoptée.

Le plus drôle dans l'histoire, c'est que lorsqu'on demande au docteur son avis personnel sur la sélection du sexe du bébé, il répond : "je pense que ce n'est pas bien, cette technique devrait être utilisée seulement pour les maladies... On détruit des embryons, c'est un peu comme tuer. Il vaut mieux laisser faire la nature." Pourtant il propose ce "service" à ses clients. On est pas à une contradiction près...

Bon, pour finir malgré tout sur une note positive, un joli sourire féminin. Je l'ai rencontrée dans la rue il y a quelques jours. Elle m'a demandé de photographier son neveu de 15 jours, Ahmed. Elle et sa sœur, la maman, avaient l'air fières et heureuses, et pas forcément parce que le bébé était un garçon...